Sur la place de la bourse, on peut voir que les commerçants essaient tant bien que mal de s'habituer aux travaux qui occupent une bonne partie de l'espace et restreignent les déplacements.
Exki placarde ainsi en grand, au dessus de son magasin, une annonce: "Bravez les travaux pour votre café bio".

Une des vitrines vides de la place De Brouckère, que nous convoitions pour y installer nos bureaux, est temporairement occupée. On y voit une affiche des activistes de Extinction Rebellion, une autre du collectif Club Détour, organisateurs d'événements Underground. Peints à même la vitrine, des pigeons volants, un pigeon couronné. Et l'inscription: The rats of the skys. The emperors of the city.

Lors d'une balade sur le piétonnier dans le cadre de l'Amplificathon, les artistes de ooooo ont observé un attroupement de pigeons sur un des parterres destinés à être planté. En y regardant de plus près, le parterre venait d'être semé et l'attroupement de pigeons était dû à une abondance de graines. Intérêts concurrents: les "intérêts" des pigeons ne rencontrent pas les "intérêts" des graines, stoppées "net" dans leur devenir plante... Est-il possible de ménager la chèvre et le chou? Les graines et les pigeons?

Deux adolescentes avec un trépied et un appareil photo semblent filmer des pigeons qui batifolent sous les marches de la Bourse. Elles les apâtent près de la caméra grâce à un morceau de pain. Je demande à Greg de les aborder (elles sont néerlandophones). Elles réalisent un documentaire sur la vie des pigeons en ville, dans le cadre d'un stage de documentaire à De Markten. Selon elles, les pigeons sont des espèces injustement dénigrées... Avec ce documentaire, elles espèrent changer un peu l'image qu'on se fait d'eux. Je leur donne ma carte, et leur demande de nous contacter, si jamais elles le montrent publiquement.

Tout comme nous, les participants de l'amplificathon ont été surpris et intéressé par l'ensemble des affichages institutionnels, leur diversité et parfois leur manque de formalisme, leur amateurisme.

D'autres choses les ont marquées comme les messages que certains d'entre-eux font passer. Par exemple, la pancarte pour une zone piétonne présente un assemblage étonnant d'un homme, un enfant, une voiture et une maison. Assez loin d'un tableau réaliste qui aurait pu accueillir des vélos, trottinettes, jeux de balles, personnes en situation de handicap...

Ce panneau de publicité rétroéclairé constitué une excellente surface de communication... y compris pour des messages politiques et critiques, qui squattent l'espace d'exposition pour s'adresser aux passants..

Alors que nous regardons le "feed" de la caméra publique de de Brouckère en se demandant comment l'utiliser pour certaines de nos amplifications, un groupe de personnes se met à faire une chorégraphie étonnante. Il nous semblent qu'ils jouent avec la caméra et essayent de créer un mot, de faire passer un message à travers leur posture commune. Ce message, du reste, est difficile à déchiffrer

Sur la façade du nouveau métro de Brouckère, on peut voir une affiche ventant le nouveau parking à vélo, ainsi qu'une grande fresque de personnages reliés ensemble par leur roues de bicyclettes. Sur cette affiche, on aperçoit aussi qu'un carré a été soigneusement découpé au niveau de la main d'un des cyclistes. C'est l'emplacement où l'on s'attendrait à voir un portable ou un smartphone. Pourquoi justement cet endroit a été découpé? C'est la ville de bruxelles qui ne voulait pas faire de pub à un acteur du numérique? Un militant anti smartphone? Ou juste une façon de retirer un graffiti?

Le Musée du Capitalisme propose de poser des questions et de faire réfléchir sur le capitalisme. À travers des expériences interactives, tout en analogique (pas ou peu d'écran), il montre quatres époques/facettes : origines, espoirs, limites et alternative.

Deux expériences marquantes : vérifier à quel point vous êtes un privilégié (homme, blanc, retraite, travail, logement, héritage, etc...) et pensez à un bonheur que vous avez ressenti et mettez un cube de couleur sur ce qui l'a provoqué (création, achat, relations humaines...) dans une boîte. Ces expériences je pense peuvent avoir un grand impact sur l'audience de l'exposition et marquer une vraie prise de conscience. L' aspect corporel et accessible de ces deux installations est aussi important.

Cette exposition est impressionnante dans le sens où elle repose en grande partie sur du bénévolat et l'implication gratuite de participants. En ce sens, elle est un exemple intéressant de participation politique. La question de l'efficacité de leur démarche est autre et l'esthétique ainsi que la mise en histoire du capitalisme peut rebuter certain. L'économie de moyen et la volonté de pouvoir facilement transporter le dispositif a un effet direct sur sa mise en forme, qui est moins léchée que certaines expositions professionnelles. La multiplicité des acteurs et des volontés donne un côté bric à brac, on peut penser qu'une telle multiplicité évoque autant de sympathie que de retrait. Enfin, si les informations sont présentées d'une manière accessible et ludique, elles restent parfois superficielles.

Le jour J, un public qui ne sait pas à quelle sauce il va être mangé se retrouve derrière le KVS. Deux personnages, Jean-Yves et Francky, nous baladent en ville au gré d'une séance de coaching personnel, de thérapie du bonheur et de l'estime de soi, qui laisse petit à petit place à une histoire et une quête commune.

Une première chose qui m'a marquée dans cette pièce déambulatoire et participative, c'est le pouvoir de persuasion des deux acteurs/guides/animateurs, qui arrivent à embarquer le public avec eux, et à leur faire faire des choses a priori embarrassantes devant d'autres gens, surtout dans l'espace public. Certes, le public est complice: il sait qu'il prend part à une farce, une satyre. Cela étant dit, faire rire, chanter, courir, lever les mains une foule n'est pas chose aisée. C'est d'autant plus étonnant que la pièce commence par mettre le public très mal à l'aise: les deux acteurs alpaguent des membres du public sans ménagement, en les épinglant sur base de préjugés (âge, taille, couleurs de cheveux...), et on ne mesure pas jusqu'où ils sont prêts à aller. Ce n'est qu'au fur et à mesure qu'on se familiarise avec les guides, et avec le fait que le ton restera léger, que le public commence à leur faire confiance. Quelle est la clé de leur succès? Est-ce le soulagement éprouvé après un premier moment de sidération? Est-ce le fait de recevoir des "instructions" dans un casque? Le ton souvent pince-sans-rire mais néanmoins sans appel des guides? La force de l'histoire qui peu à peu se dessine et le sentiment d'empathie qu'elle suscite? L'effet de groupe?

Une seconde chose qui m'a marquée, c'est l'effet du spectacle sur les passant.e.s. Si certains étaient directement sollicités par les acteurs, invités à entrer dans la narration, beaucoup étaient surtout interpellés par l'action elle-même. Voir un groupe de gens courir ou assis sur des tabourets pliants à même la rue, faire semblant de rire à gorge déployée, voir les acteurs s'animer: voilà qui semblait intriguer de nombreux usagers de l'espace public, voire des gens chez eux qui observaient le spectacle depuis leurs fenêtres. L'un d'entre eux s'est même montré un peu agressif, avec des commentaires du style "c'est quoi ce cirque", d'autres étaient insistants, suivant le groupe et demandant des explications sur ce nous faisions.

Enfin, la troisième chose qui m'a marquée, c'est la réponse que m'ont donné les agents de quartier en charge d'assurer la bonne tenue de la déambulation à la question de savoir ce qu'ils pensaient de la pièce, de leur rôle, s'ils ne trouvaient pas tout ça un peu loufoque: "Ca change mais c'est très chouette".

Je précise que j'écris cette entrée en partie sur base des photos et vidéos, mais surtout de mémoire et sur base des souvenirs des deux personnes qui m'accompagnaient dans la thérapie, près de deux ans après les faits.